Maison Ousmane Sow
« Avec l’irruption de ses Nouba au milieu des années 80, Ousmane Sow replace l’âme au corps de la sculpture, et l’Afrique au coeur de l’Europe ».
Tout est dit dans ces mots d’Emmanuel Daydé, co-commissaire avec Béatrice Soulé de l’exposition d’Ousamane Sow sur lepont des Arts à Paris.
Sa carrière d’artiste fut en effet aussi courte que fulgurante. Mais sans doute doit-on à son passé de sculpteur anonyme et secret, dont il détruisit toute trace, l’éclatante maturité artistique dont firent preuve les oeuvres qu’il n’accepta de montrer pour la première fois qu’à l’âge de cinquante ans : les Nouba. Ousmane Sow s’intéressait aux différentes ethnies africaines, notamment les Noubas (une ethnie en voie d’extermination au sud du Soudan), dont les combats de lutteurs, en particulier, le fascinaient.
Elles furent aussitôt reconnues et sont aujourd’hui emblématiques de son travail. Présentés en 1987 au Centre Culturel Français de Dakar, le Nouba assis et le Nouba debout sont exposés dès 1992 à la Documenta de Kassel, et en 1995 à la Biennale de Venise.
« Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours sculpté. Je n’ai jamais pensé à en faire un métier, jusqu’au jour où j’ai ressenti une véritable émotion devant les photos de Leni Riefenstahl représentant les Nouba de Kau. Ce qui m’intéresse chez ces lutteurs Nouba, c’est que ce sont des gens qui prennent soin de leurs corps, et qui, à un instant de leur vie, courent le risque de se faire défigurer ». Ousmane Sow
Né le 10 octobre 1935 à Dakar (Sénégal), Ousmane Sow réalise ses premières sculptures dès l’école pour s’amuser et sans aucune prétention artistique. Adolescent, il continue à travailler des pierres calcaires qu’il trouve au bord de la plage. À la mort de son père, il débarque en France avec un brevet commercial en poche et exerce plusieurs métiers : polisseur de cuillères, manutentionnaire, garçon de salle dans un hôpital. Bien que ne sculptant plus, mais souhaitant toujours devenir artiste, il rencontre des étudiants des Beaux-Arts alors qu’il suit des études d’infirmier. En 1961, diplômé, il reprend des petits emplois pour pouvoir commencer une formation de kinésithérapeute. De retour au Sénégal en 1965, il monte un service de kinésithérapie à l’hôpital Le Dantec de Dakar et recommence à sculpter pendant ses temps libres.
Il retourne en France, où il exerce son métier, transformant le soir son cabinet en atelier pour construire des petites sculptures en forme de marionnettes articulées. Les années 1970 sont pour lui des années secrètes où il expérimente les matériaux. Rentré définitivement à Dakar en 1978, il va progressivement réduire son activité de kinésithérapeute. À partir de 1989, il se consacre pleinement à la sculpture.
C’est seulement dix ans plus tard qu’il entreprend la création de la série « Petits Nouba », il estime n’avoir pas abouti cette série et souhaite y ajouter de nouveaux thèmes, tels que La Méditation, Le Lutteur à genoux, L’Appel à la lutte. Certains « Petits Nouba » sont restés inachevés
N’ayant que peu de ressources, Ousmane Sow utilise des matériaux économiques pour réaliser ses œuvres. Il met au point un mélange à partir de déchets de matières plastiques que lui fournit une usine voisine. Prenant des armatures de fer à béton, il les enserre de paille de plastique puis de toile de jute qu’il enrobe d’un liant de son invention – mélange d’une vingtaine de produits – longuement conservé, malaxé et macéré pour obtenir un produit maniable, élastique et onctueux résistant aux intempéries. L’ensemble est parfois enveloppé dans un tissu recouvert d’argile qui lui permet de travailler les reliefs musculaires toujours peints.
« Dans la majeure partie de mon travail, je représente les hommes en action, et même des scènes de violence: des hommes qui luttent, des hommes qui se battent, des hommes qui se mesurent avec les animaux. C’est aussi cela l’Afrique, un champ de luttes et de combats: on lutte pour conquérir la femme qu’on aime, on lutte pour conquérir l’espace, la lutte est une façon d’exister et de reconnaître l’autre. » Ousmane Sow
Dispersés dans toute l’Afrique-Occidentale, les Peulh dépassent aujourd’hui les sept millions d’individus. Ils se répartissent entre citadins et bergers nomades. En dépit de leur dispersion, les Peulh restent fermement attachés aux valeurs de courage, de dignité, et à un code de conduite appelé “Pulaagu” fondé sur la maîtrise de soi.
« J’aime raconter des histoires, mais j’aime aussi qu’à leur tour, les personnes inventent leur propre histoire face à ce que je fais. Au village, c’est une harmonie qui se crée, c’est l’authentique demeure des Peulh. » Ousmane Sow
En 1999, à Paris, sur le Pont des Arts, entre le Louvre et l’Académie, s’installent en majesté les séries africaines, mais aussi la Bataille de Little Big Horn qui vient de naître. Un acte fort pour la reconnaissance de son oeuvre, mais aussi une fierté pour l’Afrique, ce continent auquel il pense en acceptant la proposition d’entrer sous la Coupole.
Comment Ousmane Sow aurait-il pu imaginer alors que, quatorze ans plus tard, il traverserait le Quai Conti pour faire son entrée à l’Académie des Beaux-Arts ? Et qu’il serait le premier noir à intégrer cette institution, lui qui fit ses début en sculpture à l’école primaire de Rebeuss, et dont la première oeuvre fut celle d’un petit marin taillé dans du calcaire et exposée sur l’armoire de l’école.

















